Dans un contexte où on assiste presqu’à l’effondrement de la nation haïtienne, marqué par la disparition de certaines valeurs nationales, certains textes musicaux du compas relancent le débat sur la culture et les traditions haïtiennes. C’est ainsi que la Chronique « La vie des mots », présentée par Frantzley VALBRUN pour Azuéi-Le journal, est ravie de vous inviter à explorer le jeu symbolique et anthropo-sociologique dans « Lalin ak Solèy » de la formation musicale Zafèm.
Paru en 2023, en première position sur l’album de Zafèm intitulé « LAS », le morceau « Lalin ak Solèy » se veut être un classique pour ses profondes pénétrations culturelles. Il incarne des débats passionnés parmi les mélomanes de tout horizon, tant au niveau national qu’international. Depuis sa sortie et la parution de sa vidéo sur les réseaux sociaux, ce morceau est devenu incontournable lors des grandes fêtes musicales haïtiennes.
Considéré comme un appel aux traditions nationales à travers le temps, ce morceau est aussi une quête incessante et ouverte sur l’évolution de l’être haïtien. Pour explorer cette quête, il est nécessaire de comprendre deux aspects : d’abord, saisir la totalité du jeu symbolique dans son contexte, ensuite, comprendre la dimension anthropo-sociologique des symboles dans la construction de l’imaginaire haïtien.
Tout comme les autres créations artistiques et littéraires, la musique est un fait social. Dès le XIXe siècle, la sociologie aurait dû s’associer explicitement et systématiquement à l’imaginaire. En acceptant la définition de Max Weber selon laquelle « la sociologie est la science de l’action sociale », on constate que l’action humaine, orientée par des valeurs, place les symboles, les images et les croyances au cœur de toute action sociale. L’anthropologie contemporaine définit d’ailleurs toute culture humaine comme un ensemble de systèmes symboliques, dont le langage est le prototype (Jean-Pierre Sironneau, 2011).
Dans cette approche, la question du sens est primordiale dans les systèmes symboliques fondés sur la dichotomie signifiant/signifié. La connaissance de l’action sociale, objectif de la sociologie, consistera finalement à découvrir les significations que les acteurs sociaux ont voulu donner à leurs conduites (Le symbole et le mythe en sociologie, 2011).
C’est ainsi qu’il est intéressant d’étudier le jeu symbolique de l’expression « Lalin ak Solèy » invoquée par les chanteurs de Zafèm. Ici, chaque symbole prend une forme double dans le va-et-vient incompris du jeu amorcé, non pas simplement comme une expression ou un symbole, mais comme une représentation ontologique curative et philologique émanant de l’ordre naturel qui dompte tout mystère.
En voici un extrait :
Solèy la di fò l leve l douvanjou
Lalin nan di li sou pran plezi l toujou
Kòk yo fin chante
limyè limen moun wè yo moun wè yo
Zetwal yo kite syèl la toutouni
Ou ka wè jan tete lavi blayi
Tout moun ap founi je pou jwi
Tan an make lanmou ak lamitye
Pèsonn pa ka konprann
Se tout moun ki siprann
Chwi chwi chwi ap bouyi
Zen Peteeeee.
En analysant cette partie, on perçoit clairement une discordance entre les deux symboles sur le temps à rattraper. Le premier, le Soleil (Solèy), voit dans « douvanjou » un moment pour s’investir dans le travail et assurer la pérennisation de la vie collective (pour le paysan, c’est le moment de travailler dans le champ; pour ceux qui cherchent leur subsistance dans d’autres domaines, c’est un moment idéal). Le second, la Lune (Lalin), conçoit que le plaisir ne doit pas être interrompu puisqu’il est déjà connecté. En un mot, ce dernier n’a pas de moment déterminé pour continuer à jouir des plaisirs en s’éloignant de l’absence.
Pour comprendre la dimension anthropo-sociologique de ces symboles, il faut plonger dans l’imaginaire collectif du peuple haïtien à travers les différents moments de l’histoire. En effet, les Haïtiens, constituant un mélange ethnique confronté aux divers malaises culturels, cherchent aujourd’hui un lieu sensible où ils se sentent bien. C’est ce que fait la formation musicale de Zafèm dans « Lalin ak Solèy », qui constitue entre autres une sorte de retour aux sources et aux âmes complexes des Haïtiens.
On ne peut pas découvrir tous les mystères cachés dans ces symboles pluriethniques sans explorer les différentes couches civilisationnelles qui recouvrent à grande échelle les âmes de cette nation. Depuis l’époque des Taïnos, les symboles de Lalin et Solèy ont allumé la flamme de cette terre, à la fois triste et joyeuse.
En revivant ces paroles, Zafèm nous invite à redécouvrir les lieux et leurs significations, mais surtout dans une perspective évolutive qui explore des sens inédits. En effet, dans un futur proche, l’un chevauchera l’autre pour proposer une nouvelle zone de compréhension commune qui nous aidera à réfléchir sur notre être et notre devenir.
Que pensez-vous de la possibilité que les symboles de Lalin et Solèy soient les reflets de votre miroir indomptable et ouvert à toutes les réalités ? Une réflexion s’impose !
Entre-temps, dégustez pleinement ces paroles, et embarquez pour un voyage au fort potentiel :
Solèy la di fò l leve l douvanjou
Lalin nan di li sou pran plezi l toujou
Kòk yo fin chante limyè limen moun wè yo moun wè yo
Zetwal yo kite syèl la toutouni
Ou ka wè jan tete lavi blayi
Tout moun ap founi je pou jwi
Tan an make lanmou ak lamitye
Pèsonn pa ka konprann
Se tout mon ki siprann
Chwi chwi chwi ap bouyi
Zen Peteeeee
Pèsonn pa ka konprann
Se tout mon ki siprann
Chwi chwi chwi ap bouyi
Tripotay la komanse
Granmoun ap ri kòlèt debraye
Lannwit se kouri l kouri l al kache
Moun sou latè wè tout fouk syèl la
Yo kenbe Bondye k ap foure je gade
Depi w Louvre je w ou pa ka pa gade
Depi w Louvri je w ou pa ka pa gade
M di depi w louvre je w
Ou pa ka pa gade
Depi louvri je w
Fon w jan pou gade
Granmoun ap ri kòlèt debraye
Lannwit se kouri l kouri l al kache
Moun sou latè wè tout fouk syèl la
Yo kenbe GOD la k ap vòlè je gade
Depi w Louvre je w ou pa ka pa gade
Depi w Louvri je w frè fò w founi je gade
Maria k ap gade
Maria gadagadagade
Sagadou w lige
Gaya Gaya
Gayagadegede
De je tout moun anlè y ap gade
Mahadeva Mahadeva
Pèsonn pa ka konprann
Se tout mon ki siprann
Chwi chwi chwi ap bouyi
Zen Pete
Pèsonn pa ka konprann
Se tout mon ki siprann
Chwi chwi chwi ap bouyi
Tripotay la komanse
Eye Eye (Bis)
Iyawo Iyawo
Men Zafem
Men Zafem
Solèy la leve sou pwent pye l panse l pral sove
Men lalin gentan kenbe l
Sou kabann lanmè pou wè jan yape fè foli
Se pi bèl moman w moun ta dwe jwi.