Tous les lundis soir, la chronique « La vie des mots » du journal Azuéi, vous invite à voyager dans l’univers époustouflant d’un écrivain, et de découvrir une voix confirmée sur le marché national et international du livre. Découvrez « La chorégraphie d’absence » de Jean Émile Alfred, notre tout premier numéro.
Né en Haïti, dans les entrailles de la commune de Port-de-Paix, le 8 janvier 2001, Jean Émile Alfred est écrivain et poète haïtien. Membre fondateur de “Klasik Literè”, membre de l’équipe organisatrice du Festival Entènasyonal Literati Kreyòl (FEL), il a publié des poèmes dans un recueil collectif intitulé “Piga Kreyòl” et “l’Encre est gauchère” à compte d’auteur en 2022.
”À une distance si proche de mon cœur, j’ai choisi de m’implanter dans le monde littéraire au sein de ma ville natale (Port-de-paix), où je connais le berceau de mes premiers mots ”, dit-il.
Paru en Avril 2024, en France, chez le Lys Bleu Éditions, La chorégraphie d’absence de Jean Émile Alfred, est une quête vers l’amour et de l’oublie. Au cœur du recueil, l’auteur nous propose toute une batterie de thématiques. Chacune d’elle exprime une émotion à travers un poème
Bruit épuisé
Endormi sur les éclats de souvenirs
Cette prison pense à mes pensées sombres
Page tournée dans l’amertume
Tourne dos
Au lit mouillé de mensonge
La route conduisant à ton horizon
Saigne dans ma tête
Souviens-toi
Qu’un je t’aime enfoncé dans le cœur
N’a pas de gomme
Pour t’oublier
p.23
Ici le [bruit] évoqué par l’auteur dans ce texte, est loin d’être une chose jouissive, mais plutôt une espèce de dissonance qui dérange la géographie d’une attente péremptoire. En effet, pour comprendre le geste [épuisé] qui charrie le poème, il faut revenir sur l’autre verbe [geste enfoncé] qui sert de pont au verbe [oublier] exprimant une sorte de relation spaciale entre le lieu et son poème.
Confidence
Donne-moi ta parole
Tiens-moi en otage
Si une fleur brisée
Parle d’un poète au cœur assassin
Ce sera encore ce poème le pardon
p.25
Et voilà, sans la moindre prétention, avec sa voix discrète, ce poète-là vient de cracher son impuissance sur le mur de l’indulgence. Si pour les grands lecteurs un poète c’est quelqu’un qui possède le pouvoir sur les mots, alors pour le créateur haïtien Jean Émile Alfred, et les poètes, et les mots, sont quelques fois prisonniers.
Et c’est ce sentiment de faiblesse qu’il exprime dans ses vers. En ce sens, du lieu de cette parole onctueusement interpélée, il y a aussi la démonstration gracieuse d’une liberté qui se veut être privée au regard d’un mystère. Dans cette même logique de privation consentie où tout se dévoile, ni le poète ni le poème s’esquissent à un certain repli afin de devenir les sujets d’un pardon.
Une chance têtue
Chaque branche de ta timidité
Couvre mes mots froids
Parle-moi
Avec tes yeux d’abeille
Touche-moi
Avec tes sentiments
Ta face pleut
Sur ma vision déserte
Viens
Ici-bas
La raison cache dans tes larmes
Toi et moi
Deux cimetières fous
Qui font l’amour
p.27
Il faut s’arrêter là, puisqu’il s’agit ici d’un fait inhabituel qui vient de se produire. Incroyable ! À force de miser trop dans un tel exercice qui exige à tout prix, leurs niveaux de faiblesses (relations externes entre le lieu sublime, le poète et le poème) , sans doute, on se rend compte qu’après, c’est ce vieu mystère indicible qui devient le sujet d’une mutation complexe à la fin. En l’occurrence, le poète et le poème qu’on considère au départ comme les deux êtres faibles, y transcendent leur parole
Pour ainsi dire, dans cette partie là, l’auteur tente de nous montrer comment on peut être à la fois en situation de puissance et de faiblesse. Du coup, c’est idem pour le paradis et l’enfer, tous sont l’expression d’une parole ; et la force des choses réside même dans l’action de l’économie de cette parole en perpétuel mouvement
Par-delà les frontières qui diffèrent les natures des faits, c’est bien l’aspect temporel qui pèse sur le devenir de chaque être ou chaque chose. En conjuguant sa mélancolie avec autant de discrétion, le poète Émile a fait de son sentier parsemé de troubles et de chagrins le lieu d’une parole émancipatrice.
De fait, c’est le travail de tout les poètes, arriver à faire de tout mystère le responsable de son sort et de toutes blessures des poèmes, et c’est là qu’il devient créateur/dieu et cesse d’être entravé entre le marteau et l’enclume.
Ainsi que l’explique le poète dans ses vers : “Viens / Ici-bas / La raison cache dans tes larmes”. Ces trois vers-libriste, traduisant en clair la métamorphose de ce mystère tout en gardant aussi une sorte de solidarité dans la douleur.
À juste mot, que peut-on attendre d’un poète qui, dans ses sérénades d’inquiétudes, invite le mystère à danser avec lui ? À ce niveau, on peut dire que le poète Jean Émile Alfred sait bien comment invoquer l’inconnu (le mystère) dans le lit d’amour pour le piéger.
Ainsi dit encore le poète : “Toi et moi / Deux cimetières fous / Qui font l’amour”. En fin, ces derniers montrent tout le pouvoir éternel du poète Jean Émile Alfred. Sauvetage !
Bon travay
je suis vachement content de votre fabuleux travail Me Jean Emile Alfred…
Déjà, bon succès !
Bon travail Alfred Jean Émile!
je suis vachement content de votre fabuleux travail Me Jean Emile Alfred…
Déjà, bon succès !