Depuis la fondation de l’État en Haïti, qui résulte d’une double affirmation : celle de la dignité humaine et celle de la liberté comme droit inaliénable, la situation des droits humains dans notre pays n’a jamais été aussi critique qu’aujourd’hui. Certains en viennent même à parler de régression, renvoyant à l’époque coloniale de Saint-Domingue.
Aujourd’hui, alors que les violations systématiques contre le corps de nos femmes et de nos filles, de nos hommes et de nos garçons se produisent avec une acuité et une cruauté sans précédent, nous constatons avec désolation une incapacité chronique de l’État à garantir et protéger les droits fondamentaux de nos concitoyens, notamment le droit souverain qu’est le droit à la vie.
En effet, selon un rapport publié par le Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH), le Collectif d’Avocat.e.s Spécialisé.e.s en Litige Stratégique de Droits Humains (CALSDH) et Avocats sans frontières Canada (ASFC) en octobre 2023, pas moins de 24 massacres, c’est-à-dire des tueries de masse, ont été perpétrés en Haïti entre 2018 et août 2023. À ces chiffres s’ajoutent deux autres terribles massacres au cours de l’année 2024 : celui survenu à Pont-Sondé en octobre et celui, tout récemment, à Wharf Jérémie. L’existence de ces massacres et la facilité avec laquelle ils ont été commis, couplées à l’inaction qui s’en est suivie à chaque fois, témoignent de la gravité de la situation. Pire encore, à côté du non-respect du droit à la vie, les Haïtiens et Haïtiennes confrontent quotidiennement la violation systématique de tous les autres droits fondamentaux. Nos droits politiques sont méconnus. L’année 2026 marquera déjà dix années depuis les dernières élections organisées dans ce pays. Contrairement aux mandats de nos chefs ad interim qui semblent se perpétuer, nos différents droits, malheureusement, sont éphémères, y compris le droit au logement. Aujourd’hui, à cet instant même, on recense plus de 700 000 déplacés dans le pays, fuyant la violence des gangs. Une telle situation les expose à toutes sortes de violations qu’il est impératif de stopper. C’est pourquoi il y a urgence à rétablir le respect des droits humains, particulièrement en Haïti, mais aussi dans le monde en général.
Conscients de cette urgence, cette année, en cette journée du 10 décembre 2024, l’ONU, sous le thème : “Nos droits, notre avenir, maintenant”, souligne le lien entre la garantie effective de la jouissance des droits fondamentaux aujourd’hui et la capacité à bâtir un avenir meilleur. Ce thème reflète également l’impérieuse nécessité d’agir dès maintenant. Le temps est aux actions concrètes. Dwa moun pa ka tann! Car le respect des droits humains constitue le principal pilier d’une société qui aspire à la liberté, à la justice et à la paix.
Aujourd’hui, le Gouvernement Jeunesse d’Haïti en général, et moi, Jeune Ministre de la Justice, lançons un appel vibrant à tous les secteurs nationaux et aux autorités de l’État pour capitaliser sur les droits humains comme une “force positive” de prévention, de protection et de transformation communautaire. Cette journée doit nous permettre de nous remémorer notre fondateur national, Jean Jacques Dessalines, qui, en affirmant : “Pa gen libète san byennèt,” soulignait l’indivisibilité et la complémentarité des droits humains.
Je veux profiter de l’occasion pour saluer le travail de tous les acteurs et organismes de défense des droits humains, qui, dans un contexte difficile, ne baissent pas les bras et accomplissent un travail inestimable. Par ailleurs, aux jeunes d’Haïti, je veux vous dire, en écho avec l’ONU : “Vos droits, votre avenir, engagez-vous pour leur garantie et leur respect.” Car les droits humains appartiennent à chacun de nous. Tout moun se moun, dwa tout moun dwe respekte sou bout tè sila.
Webster REGISTRE, Jeune Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique
Gouvernement Jeunesse d’Haïti