Après une semaine de repli, la chronique « La vie des mots » présentée par Frantzley VALBRUN dans Azuéi-Le journal revient en force. Cette fois-ci, elle nous invite à découvrir « L’âme des poètes » d’Alain Barrière, offrant ainsi un rendez-vous vibrant avec la beauté du style et du sens, et nous permettant de savourer les richesses artistiques d’un créateur majeur.
Porté, à première vue, par un langage ingénieux, ce texte incarne l’âme mystérieuse de tous les poètes. Chanté avec une tranquillité musicale magistrale et une maîtrise d’énergie solennelle, il traduit les réalités subtiles et importantes de la vie de tous les artisans des choses sensibles (les poètes).
En mêlant style, forme et fond dans un bouillon artistique, il apparaît que rien n’est laissé au hasard. Les mots sont en parfaite harmonie avec les faits, exprimant dans des phrases exaltantes la célébration de l’âme des poètes. Il y a une urgence à exprimer une certaine gratitude capable d’éclairer les lanternes des justes milieux, un cri indomptable des dieux expérimentés d’avance.
Au cœur de ce texte, les mots, les sons et les rythmes s’entrelacent. Chacun embrasse l’autre tout en investissant l’intimité des notes, coordonnées par l’âme de la guitare de l’artiste, dans un chant répétitif d’une rare poésie.
Si le poète reste un sujet social sans pour autant être prisonnier de sa propre réalité, il est certain que ses œuvres doivent être considérées comme des faits sociaux. Ses œuvres, sujettes à étude, doivent être analysées à travers des périodes précises de l’histoire et, surtout, par la dimension de leur contenu.
En explorant le travail du célèbre chanteur français Alain Barrière, on perçoit clairement que l’artiste a longuement décrit la vie sociale, politique et culturelle des poètes en général. Comme il est écrit et dit dans le texte, l’auteur dresse un récit social expliquant la vie des travailleurs des mots :
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Et ça n’est jamais très très bien pensant.
À la moindre injustice, ça va gueulant
Contre les cons, le vice et les puissants.
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Chaque paragraphe décrit une réalité, un fait existentiel et sémantiquement contradictoire. Il y a tantôt des moments de douleur et de bonheur, tantôt des moments de tristesse et d’imposture :
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Ça ne craint ni l’exil ni les tourments.
Ça écrit quand est grand le dénuement,
Avec la dernière goutte de son sang,
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Han, han, han, han, han…
Tout se mêle et s’organise pour donner un travail harmonieux et unique en son genre. En ce sens, cette contradiction présente dans le texte révèle la dynamique esthétique de l’artiste, une dynamique majeure par la complexité de son style :
Un poète, ça vit très très longtemps.
Si j’ai dit le contraire apparemment,
C’est que les mots,
Les mots sont bien changeants,
S’ils sont dits au passé ou au présent.
Un poète, ça vit très très longtemps.
Dans une démarche particulière et sociologique de la poésie, ce texte fait partie des œuvres littéraires à vocation épique. Il rend hommage aux poètes, une façon spéciale d’immortaliser leur existence et d’interpeller les âmes pour les rendre plus vivantes dans l’esprit de l’humanité.
Sur ce, lisons donc le texte :
“
Un poète ne vit pas très longtemps.
Il se croque la vie à pleines dents,
Brûle toutes cartouches en même temps,
Se moquant des faux-culs, des faux-semblants,
Un poète ne vit pas très longtemps.
Un poète ne vit pas très longtemps.
Si vous l’avez crû voir vieillissant,
Son fantôme, son spectre assurément,
Ou sa dernière blague d’étudiant,
Un poète ne vit pas très longtemps.
Han, han, han, han, han…
Un poète se meurt de temps en temps.
Ce n’est pas la cohue à l’enterrement.
Juste quelques amis, quelques parents.
On n’a pas alerté les présidents.
Un poète se meurt de temps en temps.
Un poète se meurt de temps en temps.
On ne retrouve pas de testament,
Encore moins d’héritiers, de prétendants,
Seule est là la compagne des jours-sang,
Un poète se meurt de temps en temps.
Han, han, han, han, han…
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Et ça n’est jamais très très bien pensant.
À la moindre injustice, ça va gueulant
Contre les cons, le vice et les puissants.
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Ça ne craint ni l’exil ni les tourments.
Ça écrit quand est grand le dénuement,
Avec la dernière goutte de son sang,
Un poète, c’est sûr, c’est emmerdant.
Han, han, han, han, han…
Un poète, ça vit très très longtemps.
Si j’ai dit le contraire apparemment,
C’est que les mots, les mots sont bien changeants,
S’ils sont dits au passé ou au présent.
Un poète, ça vit très très longtemps.
Un poète, ça vit très très longtemps.
On ne compte plus le nombre de ses enfants.
Il en naît chaque hiver, chaque printemps,
Qui ont la gloire du prophète en chantant,
Un poète, ça vit très très longtemps.
“
A. Barrière
Né le 18 novembre 1935 à La Trinité-sur-Mer, en France, et décédé en 2019 à l’âge de 84 ans suite à un accident vasculaire cérébral, Alain Bellec, dit Alain Barrière, était poète, auteur-compositeur et chanteur français. Il a connu de grands succès et une notoriété exceptionnelle dans les années 1960-1970.
Ce poète a grandi dans un milieu modeste, loin des lumières de Paris. Après ses études secondaires, il est entré à l’École nationale des Arts et Métiers d’Angers en 1955. Il a composé de nombreuses chansons de grande valeur, parmi lesquelles « Elle était si jolie » (1963), « La Marie Joconde », « Rien qu’un homme », « Tu t’en vas », etc. En 2006, il a publié son autobiographie « Ma vie » et a sorti trois nouveaux titres ainsi qu’une compilation.