Aujourd’hui, nous célébrons les 221 ans depuis la création de notre bicolore. Il y a environ 10 à 15 ans, cette date, le 18 mai, résonnait avec une effervescence particulière. Elle était marquée d’une pléthore d’activités, de parades, de discours enflammés, de rires contagieux, de foires animées et de profondes réflexions. C’était une époque où la fête du drapeau était vécue avec ferveur et authenticité. Souvenez-vous de ces journées de mai à l’école, où la chaleur de l’enthousiasme collectif et l’émoi patriotique enveloppaient chaque cœur. Cette fête symbolisait bien plus qu’un simple anniversaire ; elle était le ciment de notre unité nationale, un moment où chacun de nous se sentait partie intégrante d’une histoire et d’un avenir communs.
Mais, ne sommes-nous pas en droit de nous demander comment, en l’espace d’une décennie environ, nous sommes passés d’un 18 mai d’unité, de fête et de réflexion à un 18 mai de tumultes, de manifestations et de grèves, pour aujourd’hui vivre des 18 mai sous des pluies de balles assassines et de peur ? Certes, à cette époque, nous n’étions pas un peuple heureux. Nous avions nos lots de problèmes, de difficultés, nos malheurs. Nous étions déjà affublés du sobriquet de seul PMA de l’hémisphère occidental et la grande majorité était déjà écrasée sous le poids de la vie chez nous. Mais admettons une chose : nous avions de l’espoir ; l’espoir que, peut-être, nos efforts pourraient nous créer un meilleur avenir. Nous n’étions pas aussi détruits par ces armes, cette société incivile qui nous pousse dans nos retranchements.
Il y a quelques semaines, j’entendais une amie parler de patriotisme avec une passion débordante. C’est incroyable à quel point elle en parle souvent ! C’est incroyable à quel point j’aimerais entendre beaucoup plus de jeunes exprimer une telle conviction. Elle a dit quelque chose de très pertinent : nous ne pouvons pas espérer un développement sans une jeunesse patriote. Admettons qu’elle a raison. Nous avons commencé par déconstruire notre patriotisme. L’idée de “mourir pour la patrie”, que beaucoup d’entre nous ont tenté de discréditer, en est un exemple. Pourtant, aujourd’hui, nous ne sommes pas au tournant du 19e siècle, notre pays ne nous demande pas de mourir littéralement pour lui. Mais paradoxalement, choisir de rester vivre ici, c’est prendre le risque de mourir.
Alors, affirmons le sans détours : le patriotisme ne peut fleurir sans l’esprit de sacrifice. Notre histoire tout entière est tissée de récits de dévouement, de sacrifice, de labeurs acharnés, et de lutte contre l’oppression. Nous avons toujours fait face à l’adversité. À travers les siècles, nous avons affronté des ennemis redoutables. Mais aujourd’hui, nos adversaires ne sont pas des armées étrangères, mais les déviations qui résident en nos propres cœurs. Nos défis actuels découlent de notre éloignement de la devise gravée sous le blason de notre drapeau national : “l’union fait la force”. Notre véritable puissance réside dans notre capacité à nous unir malgré notre diversité. Et aujourd’hui, au plus profond de son être, notre société est fracturée, notre drapeau déchiré.
“Pour que les jeunes s’impliquent, ils doivent être conscients que le pays est à eux ; ils doivent bien cerner le narratif Haïtien !” Merci Stéphanie Sophie Louis pour ces mots. Nous sommes certes un peuple déchiré par des querelles intestines aujourd’hui. Nos intérêts divergent et pour la plupart d’entre nous, l’avenir ne s’entrevoit que par-delà nos frontières. En ce jour, il est manifeste que nous avons égaré notre foi. Les dates marquantes, telles que ce 18 mai, semblent avoir perdu leur essence dans les profondeurs de nos âmes meurtries. Cependant, même dans les ténèbres les plus sombres, l’espoir demeure une lueur vacillante. Pour ceux d’entre nous dont la flamme du patriotisme continue de brûler dans le creuset de leur cœur, résistez avec ténacité. Nos fragments épars peuvent encore se rejoindre, mais la clé réside dans la manière dont nous les réunissons.